Commensal

En Cornouailles sud, entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, les “pierres dressées”, ou “pierres debout” (mein zav en breton) étaient débitées à hauteur irrégulière dans les nombreux affleurements de granit, afin d’être utilisées pour délimiter les parcelles, là où les talus n'existaient pas. Tailler de plus longs orthostates, d’environ 2,70 mètres de hauteur, permettait de construire des murs, des cloisons, d’utiliser ces pierres comme poteaux et murs porteurs, et d’édifier des bâtiments agricoles et des habitations modestes.

Le nouveau gabarit du loche (communs d’une ferme) ne dépasse pas la ligne de faîtage du toit existant avant l’intervention, et ce, bien que son volume soit modifié et agrandi afin de pouvoir aménager deux niveaux. Ce  parallélépipède irrégulier, va disparaître peu à peu dans une gangue végétale: des lierres (Hedera helix) plantés au pied des faces est et sud vont, en cinq ans, enserrer la boîte de tôle et de grillage. Cette plante grimpante et persistante, habituellement considérée comme parasite, va protéger la forme euclidienne de l’extension, peu à peu recouvrir sa peau argentée, lui procurer une protection thermique tout en lui conférant l’apparence d’une ruine.

L’ossature bois de la surélévation prend appui sur les blocs de granit fichés dans le sol. À l’intérieur, des alcôves se dessinent en creux, le granit brut est badigeonné d’un enduit de chaux et de chanvre, le lit peut être clos, alors que des formes organiques en résine et fibre de verre s’échappent de la cuisine. Elles sont l’oeuvre du fils de la famille, surfeur à ses heures pas vraiment perdues.

Le lierre colonise son hôte sans lui nuire, le support inerte acquiert par hybridation avec le vivant, un comportement quasi biologique alors que la matière vivante en se développant et se densifiant se substitue aux matériaux isolants conventionnels. Il ne manque que quelques bits pour que le processus symbiotique soit achevé, mais ceci est une autre histoire.